Avenue du Port

300 platanes sauvés de justesse, 1.500.000 pavés menacés de disparition

AVENUE DU PORT, ASPHALTE, PLATANES ET… DEMOCRATIE

Posted on | novembre 22, 2012 | 4 Comments

Suite à la décision prise par le Gouvernement bruxellois quelques jours après les élections communales, les travaux d’aménagement des trottoirs de l’avenue du Port ont commencé… avec les résultats que l’on peut « apprécier » en regardant les photos.


L’aménagement prévu consiste à transformer les trottoirs en trottoirs cyclables, le revêtement choisi étant l’asphalte.

Rappelons tout d’abord les propos de Madame Grouwels, en juillet dernier, au sujet de ces travaux :

« On sera obligé de couper ici et là certaines racines. Mais ce sont des racines de surface. On a aussi dit que l’on allait prendre un maximum de précautions. On n’arrachera pas des racines avec des grosses machines. On fera les choses prudemment » – lisez l’article

Comme on pouvait s’y attendre, il n’en est RIEN. La pelleteuse utilisée pour creuser les fondations (40cm de profondeur) ne permet en aucun cas de procéder « prudemment » à cette opération… – voir la vidéo

Le coût de cet aménagement provisoire s’élève à 500.000€ et les travaux doivent durer trois mois.
De notre côté, étant demandeurs d’une réfection des trottoirs et de l’aménagement de pistes cyclables, nous avions préconisé une piste réalisée en dolomie (allées du Parc de Bruxelles, par exemple), ou en sable ternaire  (porphyre concassé), d’un coût total de 160.000 euros et réalisable en 20 jours.

La piste mixte, choisie par Madame Grouwels, offre « tout le confort possible aux cyclistes » :

La Ministre a d’ailleurs chargé le Fietserbond de réaliser des tests avec un « vélo-mesureur »… – lisez l’article

L’asphalte a donc été cautionné par la « machine » : inclinons-nous…

Néanmoins, une question se pose : Un trottoir cyclable à ce prix ?
Le prix du saccage des platanes qui bordent l’avenue du Port ? Pour une piste provisoire ?

Car cette piste n’est que provisoire. D’ici environ 5 ans, elle disparaîtra, lorsque le nouveau projet d’aménagement global de l’avenue du Port sera adopté, après la (longue) procédure de demande de permis d’urbanisme, d’enquête publique, d’appel d’offre.
Ici, nous sommes (apparemment) dans le cas d’un simple entretien, ce qui ne nécessite pas de permis d’urbanisme…

Soyons cyniques : 5 ans avant l’aménagement définitif, c’est exactement le temps qu’il faudra aux platanes de l’avenue du Port pour être déclarés malades… et dangereux, s’ils ne sont pas tombés entretemps, pourris par leurs racines blessées, devenues un terrain propice aux agents pathogènes).
C’est ce qui est arrivé aux marronniers de l’avenue Louise, abattus cet été, suite à des travaux réalisés en 2007 par la STIB. L’un de ces arbres était d’ailleurs tombé sur la voie, en 2010, heureusement sans dommages.

Dans le cas de l’avenue du Port, tout semble donc avoir été fait pour plaire aux cyclistes, en soi, rien de critiquable, au contraire…

Mais en privilégiant des pistes « confortables » pour les cyclistes (« usagers faibles » particulièrement choyés par le cabinet de Madame Grouwels), on condamne du même coup les arbres qui bordent l’avenue du Port, alors que des paysagistes de renommée internationale plaident pour le maintien de ce patrimoine unique, témoin de notre passé et acteur à part entière du présent : avec ses deux rangées de platanes sur une longueur de 1600 mètres, ce sont en effet pas moins de 5 hectares de bois qui embellissent notre quotidien et jouent un rôle actif dans l’assainissement de l’air en zone urbaine.

Face à ces choix désastreux, des associations s’étaient clairement rangées aux côtés des citoyens, tel Inter Environnement Bruxelles (IEB), placé aujourd’hui dans une situation délicate. Depuis le mois de mai, un dossier de subsides (80.000 euros liés à des missions de mobilité) est bloqué par le  gouvernement bruxellois… Hors micro, « un membre de ce gouvernement crache le morceau, sous couvert de l’anonymat : quand l’association introduit régulièrement des recours en annulation contre des décisions régionales, avec l’argent de la Région, la pilule ne passe pas. »

« Régulièrement » ? Sur 3.500 demandes de permis d’urbanisme déposées depuis le début de la législature 2009, IEB est allée très exactement 3 fois jusqu’à déposer plainte … dont, l’an dernier, contre le projet de l’avenue du Port. La justice avait d’ailleurs confirmé le caractère illégal de ce projet.  – lisez l’article

En somme, Inter Environnement risque des sanctions pour avoir trop bien fait son travail. « Risque », parce que cette question n’est pas encore tranchée et qu’elle se joue – justement – en cette période. De quoi se poser de sérieuses questions…

Quand on sait que les comités de quartier et les associations ont toujours choisi de s’appuyer sur les outils existants en démocratie pour mener leur combat, privilégiant la discussion et les arguments et proposant des alternatives rationnelles et économiques, et qu’à chaque niveau, ces outils  leur ont été confisqués, ou simplement niés, dès l’instant qu’ils s’avéraient efficaces, le constat est extrêmement préoccupant.

(Commentaire 06.12.2012 : Nous apprenons que la région a enfin réglé ce qu’elle devait à IEB.)

Voilà donc où nous en sommes.
Avec ce sentiment diffus (?) que le message sous-jacent de « l’Après avenue du Port – Saison1 », c’est qu’il est hors de question, pour le politique, de laisser germer dans l’esprit des citoyens l’idée qu’ils puissent avoir le dernier mot contre un projet qu’ils rejettent massivement. Au pied-de-nez de l’an dernier doit absolument succéder un échec, sous peine de voir fleurir d’autres mobilisations, ailleurs, encouragées par l’idée qu’il arrive quelquefois que le pot de terre l’emporte contre le pot de fer…

C’est donc cela, le message que la classe politique souhaite délivrer au citoyen ?

Comments

4 Responses to “AVENUE DU PORT, ASPHALTE, PLATANES ET… DEMOCRATIE”

  1. Pablo
    novembre 24th, 2012 @ 14:16

    Je suis content que cette avenue va être enfin renouvelée arbre ou pas arbre …. Tant pis …. Je préfère ça que toutes la voitures abîmés et les incidents et le bruit provoqué par ces foutus pavés qui ne correspondent pas aux rue modernes de notre époque… Je préfère le renouvellement avec ou sans arbres …. Que les méfaits actuels qui sont plus polluants au final.

    Ps: je pensais que les français étaient des grands râleurs mais apparemment vous les belges vous passez devant à mon avis. Jamais vu des gens qui râlent contre son gouvernement parce qu’il veut renouveler et moderniser….

    Bien à vous.
    J’applaudis votre gouvernement qui entretient votre pays

  2. Patrick
    novembre 29th, 2012 @ 15:28

    @ Pablo : A propos du gouvernement (régional) qui est censé entretenir notre pays : vous devriez savoir qu’on attend la réfection dans les règles de l’art de cette avenue portuaire de la fin du XIXème siècle depuis 40 ans. En effet, voilà 40 ans qu’il n’y a plus eu aucun entretien. C’est assez dire la résistance des pavés.
    Mais il y a une limite : les pavés doivent être redressés tous les 20 ans. Manuellement. Cela fournit du travail à 40 paveurs pendant 7 mois, pour une valeur de 1,6 millions €. Ces salaires font retour à l’économie générale, étant dépensés en… robes de mariées, paires de lunettes, sandwiches, que sais-je encore, et donc profitent à la prospérité générale.

    Vous pouvez préférer le béton ou l’asphalte. La puissance des voitures et l’indiscipline des conducteurs font que l’avenue parallèle (l’Allée Verte) a vu le champion des infractions de vitesse remporter la palme 2010 à 151 km/h. Bon à savoir: la police n’estime pas nécessaire de placer des radars avenue du Port, les infractions à la vitesse n’y étant pas assez prononcées (en comparaison de l’Allée Verte, nettement plus « roulante »). Les pavés obligent la circulation générale a réduire sa vitesse: tout bénéfice pour permettre les manoeuvres lentes des camions (vous aurez remarqué que c’est une avenue de desserte industrielle).

    Bref, nous demandons la réfection de l’avenue, mais la conservation de vos maudits pavés (qui sont déjà sur place, et son littéralement inusables – à condition de les redresser tous les 20 ans). Puis-je vous faire remarquer que les Champs Elysées parisiens sont pavés ? Puis-je vous faire remarquer que la vitesse en ville est limitée à 50 km/h ? Puis-je vous faire remarquer que l’énergie « grise » incluse dans le béton dont on referait l’avenue du Port permettrait de chauffer un appartement standard bruxellois de deux chambres pendant 1000 ans ?

    Allez, pensez au charme de l’avenue (entretenue dans les règles), à la voûte de ses platanes, et roulez peut-être un peu moins vite en ville avec votre auto, non ?

    NB: dans le plan alternatif présenté sur ce site, les cyclistes profiteront d’une piste en asphalte, et les piétons d’un trottoir en dolomie.

  3. Jim
    décembre 6th, 2012 @ 16:21

    Pour moi non plus, la pilule ne passe pas. Il est clair que nous sommes en démocratie. Le travail d’Inter-environnement est donc, effectivement, essentiel pour faire fonctionner les rouages de la participation citoyenne. Cependant, pensez-vous réellement que « les citoyens » soutiennent systématiquement leurs actions? ce serait mensonger que de faire planer pareilles idées. Les citoyens en général ne sont PAS contre l’avenue du Port. Par pitié, cessez vos généralisations: une poignée d’heureux illuminés choisissent de privilégier le bien-être d’arbres malades par rapport à celui des piétons et des cyclistes? Bien.. grand bien leur fasse. Je vous prierai cependant de ne pas parler en mon nom. Nous sommes beaucoup plus que ce vous ne le laissez présager à vouloir privilégier le confort de notre ville ainsi que sa nécessaire adaptation aux exigences modernes. Bienvenu en 2012!

  4. Lux
    décembre 6th, 2012 @ 20:16

    Réponse à Jim :

    Vous dites préférer des trottoirs et des pistes cyclables roulantes à des arbres malades. Le problème est que ces arbres ne sont PAS malades : selon les études entreprises par la Région, seulement 10% de ces arbres l’étaient, et ils viennent d’être abattus.

    Au vrai il apparaît de plus en plus que ces grands arbres gênent la répartition de l’espace public telle que voulue par l’administration. Et donc le vrai débat se situe entre ces deux options : voulez-vous une ville qui ait du charme, ou une ville où l’on circule aisément ? Peut-être même que c’est un faux débat : un urbaniste de talent devrait pouvoir conserver son charme à une avenue de 30 mètres de large, dotée de trottoirs de 6 mètres et d’une chaussée de 18 mètres de large, en y admettant le trafic raisonnablement nécessaire.

    Pour ma part, je ne crois plus aux « exigences modernes ». On pouvait encore y croire en 1960. Plus en 2013 : elles se sont révélées particulièrement décevantes.

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